A l’origine de l’Agence de la biomédecine, il y a la loi de bioéthique, fruit d’une concertation publique de grande ampleur. La démocratie sanitaire fait donc partie de la raison d’être de l’Agence. Au-delà de sa mission de santé publique, elle touche en effet à des sujets à très forts enjeux sociétaux, qui impliquent bien sûr les patients et leurs représentants, mais aussi l’ensemble des citoyens : « tous donneurs, tous receveurs ». L’Agence de la biomédecine poursuit donc un dialogue constant et resserré avec la société civile, les usagers du système de soins et les sociétés savantes - en s’efforçant de toujours mieux les associer à ses missions.
Explications de David Heard, Directeur de la communication et des relations avec les publics.
1. La démocratie sanitaire implique la participation des usagers à l’élaboration de politiques de santé. Comment les parties prenantes, les associations, ont-elles été impliquées jusqu’à présent dans les travaux de l’Agence de la biomédecine ?
L’Agence de la biomédecine exerce ses missions dans quatre domaines bien distincts : le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus, le prélèvement et la greffe de cellules souches hématopoïétiques, l’assistance médicale à la procréation, l’embryologie et la génétique humaines. Dans chacun de ces domaines, des soignants, des sociétés savantes, des associations de patients, des patients experts sont consultés. Mais, même si les problématiques peuvent se ressembler, nous avons selon les sujets des pratiques très diverses en matière de démocratie sanitaire. En effet, nos modes de discussions se sont développés avec les parties prenantes et les associations de manière très hétérogène. Par exemple, nous avons un dialogue étroit et de qualité avec des associations de parents dont les enfants sont en attente de greffe de moelle osseuse, mais ce dialogue n’est pas formalisé dans un cadre précis. À l’inverse, le comité de suivi des lois de bioéthique est très structuré, dans une logique de concertation systématique avec l’ensemble des parties prenantes. Dans le domaine de la greffe d’organes et des tissus, il existe plusieurs espaces de dialogues, circonscrits à des sujets précis, comme la participation des patients au Conseil scientifique de R.E.I.N., ou encore le comité de suivi de la crise Covid, qui a été réuni par l’Agence dès le début de la pandémie pour maintenir le lien avec les associations.
Cette hétérogénéité des pratiques demande à être lissée dans une politique globale de démocratie sanitaire. C’est l’objet de notre réflexion actuelle, qui doit déboucher sur un cadre de coopération applicable à l’ensemble des thématiques et des problématiques.
2. En 2022, un chantier a été ouvert pour consolider la démocratie sanitaire au sein de l’Agence. Pourriez-vous nous en dire plus et comment cela va se concrétiser à l’avenir ?
Ce chantier a été ouvert par une lettre de mission de la Directrice générale au Directeur de la communication. Cela a permis d’officialiser la démarche de l’Agence de la biomédecine, de valoriser ce que nous faisions déjà – mais aussi de sensibiliser l’interne, en donnant de la visibilité au projet. La démocratie en santé demande de la transparence, mais aussi de fixer des échéances claires. Des recommandations ont donc été élaborées dans le cadre d’un rapport qui a été rendu public mi-novembre. Pour ce faire, nous avons suivi un certain nombre d’étapes, en concertation notamment avec les experts de la HAS, qui ont accompagné notre démarche. Coralie Ménard, en charge de la relation avec les associations au sein de la Direction de la communication de l’Agence, a mené plusieurs chantiers : un audit pour cartographier nos actions afin de synthétiser les bonnes pratiques existantes, et un benchmark de ce que réalisent de grands organismes ou institutions de santé (HAS, Santé Publique France, Agence du médicament, etc.) avec leurs parties prenantes.
Nous avons aussi organisé un webinaire interne avec des référents en matière de démocratie sanitaire – des institutionnels, bien sûr, mais aussi et surtout des personnes issues du monde associatif. Nous avons également rencontré, une à une, les associations avec lesquelles nous travaillons régulièrement, pour recueillir leurs attentes.
Le rapport remis à la Direction générale est très opérationnel, très concret. Il propose des modalités de travail pour mieux associer les associations à nos travaux et renforcer le dialogue avec la société. De surcroît, harmoniser les pratiques nous permet également de mieux pouvoir en évaluer les bénéfices.
3. Pourriez-vous revenir sur des faits marquants en démocratie sanitaire dans le domaine du prélèvement et de la greffe d’organes et de tissus ?
S’il fallait mettre en avant un exemple récent de coopération, ce pourrait être celui du « Ruban vert », symbole des associations soutenant le don d’organes et de tissus, qui sont très demandeuses de sa visibilité. À cette fin, et en concertation avec elles, nous avons adressé un courrier à l’ARCOM pour leur demander d’inciter les chaînes de télévision à adopter le ruban vert dans leur habillage d’antenne à l’occasion de la journée nationale du don d’organes, le 22 juin. La proposition a été accueillie très positivement par l’Autorité de régulation, mais il fallait encore convaincre chaque directeur de chaîne, chaque journaliste, de participer à l’opération. Ce travail de conviction, ce sont les associations qui l’ont mené. Par leur puissance incroyable et un travail de fourmi prodigieux, toutes les chaînes (sauf une), tous les présentateurs de JT, ont arboré le ruban vert le 22 juin !
Ce n’est pas que symbolique : cela a significativement augmenté le trafic sur les moteurs de recherche et sur notre site internet, car le public s’est interrogé sur la présence de ce ruban vert. Cela a permis non seulement de rendre plus visible la cause du don d’organes et de tissus, mais aussi d’amener la question dans les foyers. Or on sait que plus les gens en parlent, plus on fait baisser le taux d’opposition, et donc plus on augmente le nombre de prélèvements et de greffes.
Le travail de conviction des associations sur le terrain amplifie la mobilisation des pouvoirs publics : c’est un accélérateur de nos missions de santé publique. Même s’il est impossible d’établir un rapport de cause à effet univoque entre cette action de communication et le taux d’opposition, celui-ci est redescendu sous les 30% en moyenne nationale depuis l’opération et la grande campagne de communication qui a suivi, alors qu’il se maintenait autour de 34% depuis près de 3 ans.
Cet exemple montre la complémentarité d’action entre une démarche institutionnelle et une mobilisation de terrain avec des conséquences très directes. Cette démarche participative ouvre de belles perspectives et demande à être poursuivie sur d’autres sujets : pour ma part, en tant que Directeur de la communication et des relations avec les publics, je souhaite renforcer le dialogue avec les associations en amont de nos stratégies de communication. Je suis persuadé que l’élaboration de nos dispositifs doit être nourrie par l’expérience des usagers et par ceux à qui ils profitent : les patients.
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pour toutes remarques