Le mot de l’agence de la biomédecine

Retour sur le taux d'opposition en France et le plan d'action mis en place : les réponses de Marine Jeantet, Directrice Générale de l'Agence de la biomédecine

1. En France, alors que le taux d’opposition se maintenait aux alentours de 35%, on observe une hausse ces derniers mois. Auriez‑vous des éléments d’explication ?

L’opposition au don d’organes est un phénomène aux causes multiples. En général, nous identifions deux types principaux d’opposition.

Une opposition prudentielle : dans cette situation, les familles sont incertaines de la volonté du défunt parce qu’elles n’en ont jamais discuté avec lui. Par prudence, elles optent pour le refus même si cela ne reflète pas nécessairement le souhait du défunt. En effet, en théorie, le taux d’opposition devrait être plus bas – autour de 20 % – puisque près de 80% des Français déclarent être favorables au don d’organes après la mort. Mais dans la pratique, le taux actuel reste plus élevé en raison de cette opposition par défaut, motivée par la crainte de trahir une volonté inconnue.

Portrait de Marine Jeantet

Marine Jeantet

Une opposition contextuelle : les circonstances qui entourent le décès peuvent compliquer la prise de décision. Dans certains cas, les familles sont dans un état de sidération ou de choc émotionnel intense, ce qui rend toute réflexion difficile. Parfois, des conflits peuvent surgir entre les proches, ou entre les familles et les soignants. La dimension religieuse peut également jouer un rôle. Enfin, il existe des disparités géographiques, avec des taux d’opposition plus élevés dans certaines grandes métropoles et dans des quartiers où les tensions sociales et économiques sont fortes.
Pour combattre cette opposition, on sait que le meilleur moyen et le plus simple est de parler du don d’organes en famille. Lorsque la volonté du défunt est connue, les cas de refus par les proches sont extrêmement rares, ce qui montre bien l’importance de cette communication.

2. Que met en place l’Agence de la biomédecine pour mieux comprendre l’opposition ?

Nous avons notre système d’information, Cristal, qui nous fournit des données pour distinguer les oppositions « prudentielles » des oppositions « contextuelles ». Bien que nous disposions d’une base de données riche, nous voulons approfondir notre compréhension des situations contextuelles, souvent complexes. Elles englobent divers facteurs, allant des relations familiales aux parcours de soins, en passant par l’accueil des familles par les équipes soignantes. Notre objectif est de séparer et de préciser ces causes pour un descriptif plus clair et mieux ciblé, car bien comprendre les facteurs d’opposition permet d’agir efficacement.
L’association Renaloo a récemment organisé un colloque en partenariat avec l’Agence de la biomédecine sur le thème de l’opposition au don. L’objectif était d’échanger avec différents acteurs pour avoir une vision plurielle et identifier des pistes d’action. Ce type d’événement nous permet d’approfondir notre analyse et de réfléchir collectivement à des stratégies efficaces.

3. Comment allez‑vous accompagner les professionnels pour agir sur le taux d’opposition ?

Notre accompagnement s’appuie sur la formation et sur des outils de communication spécifiques. La formation des coordinations hospitalières est essentielle pour faire baisser le taux d’opposition. Nous avons constaté que les établissements qui sont audités par l’Agence enregistrent généralement un taux d’opposition plus faible. Cela prouve que nous disposons de leviers concrets pour agir, notamment en sensibilisant les équipes à l’importance d’une approche empathique et formée. En plus des formations FCHP et des audits, nous sensibilisons également les gouvernances des établissements hospitaliers aux enjeux du don d’organes.
En termes d’outils de communication, nous travaillons avec des représentants de différents courants religieux pour mieux comprendre leurs points de vue et développer des supports adaptés. Par exemple, nous souhaiterions créer des vidéos avec les représentants des principaux cultes pour rassurer les familles sur les aspects religieux du don, si elles expriment des doutes. Pour enrichir notre approche, nous nous inspirons également des pratiques étrangères, comme celles de l’Espagne, pays reconnu pour sa culture du don d’organes. Nous déployons aussi des recommandations de bonnes pratiques, notamment autour des directives anticipées : en sensibilisant directement les patients en fin de vie à exprimer leur souhait, nous apportons aux coordinations un levier supplémentaire pour recueillir des décisions éclairées sur le don.
Ces outils sont mutualisés pour être accessibles aux coordinations hospitalières. Plus nous promouvons la culture du don et déconstruisons les idées reçues, plus nous renforçons la sensibilisation et l’adhésion au don d’organes.

4. Pour conclure, comment expliquez‑vous que l’activité continue de croître alors que le taux d’opposition augmente ?

Le taux d’opposition est un facteur important mais il n’est pas le seul à influencer l’activité de prélèvement. Un autre élément déterminant est le taux de recensement : en augmentant le recensement des donneurs potentiels, on contrebalance l’impact d’un taux d’opposition élevé. Même si les refus augmentent, le fait d’identifier davantage de donneurs permet de maintenir, voire de renforcer, l’activité de prélèvement.
La qualification des greffons est également un levier stratégique. Grâce aux progrès dans la qualité et le suivi des greffons, pour chaque donneur recensé, les équipes peuvent optimiser le nombre d’organes prélevés et utilisés. En d’autres termes, même avec un taux d’opposition en hausse, les coordinations parviennent à greffer davantage en exploitant au mieux les greffons disponibles.
Ainsi, bien que le taux d’opposition présente un défi, il ne représente pas une fatalité. Nous continuons de travailler activement sur la sensibilisation, la formation et le recensement pour maintenir une dynamique de prélèvement qui puisse répondre aux besoins des patients en attente de greffe.


Pour plus d'informations, retrouvez la synthèse des données disponibles sur l’opposition au don d’organes ici.

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